Cultiver le lien avec notre boussole interne : ressentis et émotions
Nos ressentis et nos émotions sont notre boussole intérieure. Ils nous guident vers des actions qui répondent à nos besoins réels et profonds. Seulement voilà, notre société et son modèle éducatif cultivent trop peu l’écoute intérieure et ce qu’on appelle l’intelligence émotionnelle, c’est-à-dire la capacité à accueillir nos émotions et celle des autres. Voici un support pédagogique simple et agréable à utiliser, notamment entre parent et enfant, pour cultiver le lien avec cette boussole intérieure qui nous oriente vers notre mieux-être.
Un support pédagogique autour des émotions
A la question « Comment te sens-tu ? » les enfants, les ados comme les adultes répondent souvent : « Bien. » « Bof. » « Je ne sais pas. » Nous ne savons pas définir ce qui se passe en nous. Nous ne savons pas écouter nos ressentis, et nous manquons cruellement de vocabulaire pour les nommer.
J’aimerais vous présenter l’outil dont je me sers le plus, à la maison avec mon fils aussi bien qu’au cabinet lors de mes consultations, ou durant mes ateliers.
Il s’agit du Langage des émotions, édité en Belgique par la Fccpp: un jeu relationnel de 62 cartes illustrées, représentant un panel d’émotions que nous pouvons ressentir.
Pour moi, c’est un outil très complet car il permet de développer l’intelligence émotionnelle :
- en exprimant les émotions ;
- en acquérant du vocabulaire autour des émotions et des besoins ;
- en proposant un moment d’écoute intérieure ;
- en apprenant à accueillir les émotions sans jugement, avec bienveillance.
Il permet également de partager un moment d’écoute bienveillante et d’accueil inconditionnel, qui participe à la construction d’une relation de qualité entre enfant et parent, ou entre adultes.
Un outil de gestion des émotions
En parcourant les 62 cartes illustrées des émotions, vous allez acquérir du vocabulaire pour décrire ce que vous ressentez.
Avec votre enfant, vous pouvez faire défiler chaque carte l’une après l’autre en prenant le temps de regarder l’image et en lisant à haute voix le nom de l’émotion. Vous pouvez aussi étaler les cartes devant vous et les parcourir du regard. Prévoyez alors un espace suffisamment grand ! Au sol, c’est chouette aussi.
On peut faire des commentaires sur les images qui nous font réagir : « Tiens, je me suis senti exactement comme ça l’autre jour, quand… » ou bien « Ah oui, j’aime bien me sentir comme ça ! ».
En parcourant les cartes, l’enfant (et vous aussi, selon votre idée du moment) choisit celles qui lui parlent, tout simplement. Celles qui représentent ce qui se passe en lui. Les émotions choisies peuvent être très différentes les unes des autres, et même paraître contradictoires (à la fois en colère et content). Nous avons effectivement tout un panel d’émotions présentes en même temps à l’intérieur de nous. D’autant que certaines émotions sont davantage des sentiments, c’est à dire des états plus durables.
L’intérêt de ces cartes réside notamment dans la qualité des illustrations. Pour l’adulte comme pour l’enfant, le dessin vient véritablement illustrer un état intérieur et agit comme un miroir : « Oui, il y a une partie de moi qui est comme ça ! ». On peut ressentir comme ça fait du bien de voir à l’extérieur ce qu’on ressent à l’intérieur.
En séance, je vous accompagne pour vous mettre en contact avec ce qui est vivant en vous, avec des émotions qui ont parfois du mal à être reconnues, emprisonnées par votre propre jugement ou par d’autres
peurs encore inavouées.
Les adultes choisissent souvent entre 5 et 10 cartes. Les enfants, plutôt 10 à 20 ! Ils sont certainement plus conscients de leurs émotions, et leur vie émotionnelle est plus intense.
La météo des émotions
Pour les plus jeunes, avant 6 ans, le nombre de cartes de ce jeu est trop important. On peut débuter par les cartes dessinées par Bougribouillon téléchargées et imprimées à la maison. Il y en a moins (20), et vous pouvez rajouter celles qui manquent selon nous. Avec mon fils, nous avions ajouté « magique » et « tranquille ». Nous les utilisions tous les jours. C’était la météo des émotions.
Vous pouvez d’ailleurs commencer par utiliser des cartes représentant les différentes météos (soleil, pluie, grêle, orage, nuageux, etc.). C’est parfois plus simple pour les petits comme pour les grands de passer par ces images. Plus rapide, mais aussi plus global. « C’est la tempête en moi ! » « Il fait soleil dans mon cœur ». Cela peut servir d’introduction, avant d’aller plus précisément dans l’expression des émotions.
D’ailleurs, le pack « Le langage des émotions, l’expression des besoins » contient lui aussi les cartes météo !
Par exemple, il y a quelques jours, mon fils était très en colère. Il a filé dans sa chambre et a pris quelques instants pour manipuler les cartes des émotions. Puis, il a brandi les cartes-météo en disant : « Maman ! Il y a de la grêle ! Il y a du vent ! Il y a l’orage ! Il y a tout ça en moi ! » J’ai répondu : « Waow, c’est une tempête d’émotions en toi ! Ça a l’air très fort ! » Il s’est senti entendu et respecté. Cela l’a en partie apaisé, et donné l’espace nécessaire pour s’exprimer plus calmement.
Se sentir entendu : un apaisement pour l’enfant et pour l’émotion
En reconnaissant ses émotions via les images, et en les nommant, l’enfant y met de la conscience. « Je me sens comme ça, et comme ça, et aussi comme ça ». Sans ce support, il n’aurait sans doute pas pu identifier ce qui est vivant à l’intérieur de lui. En nommant l’émotion, en tenant la carte, en la regardant, il reconnaît et accueille une partie de lui. Et c’est déjà beaucoup.
L’émotion, elle, se sent entendue. Et cela l’apaise, la légitime. Elle s’exprime, dans le sens où elle est mise en lumière, elle sort de la pénombre de l’intérieur. Elle est là et on la reconnaît. Sans jugement. Sans pourquoi. C’est ok, quelle qu’elle soit.
En faisant cette activité avec son parent, l’enfant se sent entendu. « Regarde, maman/papa, comment je me sens ! »
C’est un moment savoureux qui participe à la construction d’un lien de qualité entre vous. A condition qu’il n’y ait pas de
jugement de la part du parent, et très peu de « pourquoi as-tu choisi cette carte-là ? ». C’est juste une photo, un instantané émotionnel. Qui vous permet de mieux connaître votre enfant, et qui lui permet de mieux se connaître. Qui vous permet à
tous les deux d’acquérir du vocabulaire autour de émotions pour pouvoir mieux les identifier et les accueillir.
Accueillez les émotions sans jugement ni commentaire
Accueillir une émotion, sans jugement, sans commentaire orienté, cela paraît
peu et pourtant c’est l’essentiel. Et ce n’est pas facile, car nous avons une fâcheuse tendance à avoir un avis sur le bien-fondé
des émotions des autres, et de nos enfants en particulier.
« Ah bon, tu te sens comme ça ? C’est bizarre comme réaction. » « C’est disproportionné, calme-toi ! » « Ça ne sert à rien de te mettre dans des états pareils ! » « Tu ne vas pas pleurer pour ça, non ? » , « Ça ne sert à rien d’être (triste, en colère, etc.), ça ne va pas changer la situation. » Ou pire : « Ce n’est pas bien de ressentir ça, tu devrais réagir autrement. », « Tu ne devrais pas réagir comme ça. »
Ou encore, de façon plus déguisée : « Ok tu te sens comme ça, mais tu sais l’autre avait des raisons de faire ce qu’il a
fait. » « Ok, mais tu te rends compte de ce que l’autre doit ressentir de son côté ? »
De même pour les jugements positifs « C’est bien de ressentir ça. Tu as raison de te sentir comme ça. »
STOP.
Positif comme négatif, le jugement vient dire à l’enfant ce qu’il doit ou ne doit pas ressentir. Et c’est injuste car cela veut dire qu’il ne peut pas se fier à ce qu’il ressent, pour être aimé par les autres.
« Toutes les émotions sont légitimes, tous les comportements ne sont pas acceptables. »
Haim Ginott, psychologue et inspirateur des ateliers de communication bienveillante enfant-parent Faber&Mazlish.
Ça veut dire distinguer l’émotion de l’acte : accueillir l’émotion sans jugement, et éduquer les actes.
Cet espace d’accueil des ressentis, des émotions et sentiments dans le non-jugement est essentiel pour la construction de l’enfant, et, une fois adulte, dans la démarche de réparation de notre enfant intérieur. C’est ainsi que nous apprenons à faire confiance à
nos ressentis, à se fier à eux, à rester en lien avec notre vie intérieure, avec notre vie émotionnelle. Le jugement et les
commentaires orientés sur ce que nous ressentons nous poussent à les taire, à les cacher, et à les nier. Nous perdons alors nos repères personnels, notre boussole intérieure, et nous évoluons en fonction des autres. Loin de nous-même et de nos véritables besoins.
Le langage des émotions : mode d’emploi des cartes
Quand l’utiliser ?
On peut choisir de prendre un moment pour parcourir ces cartes suite à un évènement particulier qui a causé un état émotionnel intense (une grosse colère, une grande joie, une surprise, un deuil, une épreuve). On peut aussi prendre ce moment juste pour voir où on en est, comme une photographie instantanée émotionnelle, à la fin de la journée ou de la semaine. Enfin, les cartes peuvent rester en accès libre, à un endroit où chacun, et les enfants en particulier, sauront s’en saisir quand ils en sentiront l’envie. Parfois, juste pour le plaisir, parfois pour mettre à l’extérieur se qui se passe à l’intérieur.
Avec qui ?
Avec un enfant, ou pour soi-même, avec un autre adulte, ou encore l’enfant seul : tout est possible !
Avec votre enfant, c’est l’occasion de vivre un moment de partage et d’écoute privilégié. Pour vous-même, c’est l’occasion d’être à l’écoute de ce qui se passe en vous. Avec un autre adulte, cela donne l’opportunité d’exprimer à haute voix ce qui vous habite, de se sentir entendu.
A partir de quel âge ?
Le jeu est indiqué pour les enfants à partir de 7 ans. Personnellement, je l’utilise avec mon fils depuis qu’il a 6 ans.
Comment ?
On (se) pose la question : quelles sont les émotions qui sont présentes chez toi en ce moment ? « En ce moment » correspond à la fois à l’instant présent, mais aussi à la période plus vaste qui est en cours. On peut prendre quelques instants pour se mettre à l’écoute de soi. Puis, on manipule ou on observe les cartes.
Identifier les besoins de l’émotion
La suite logique de l’identification des émotions, c’est l’expression des besoins ! Ce sont les 70 cartes besoins illustrées qui accompagnent les cartes des émotions. Nous ne sommes pas habitués à reconnaître et à exprimer nos besoins. Nous sommes souvent déconnectés de notre capacité à les ressentir, et à y répondre par nous-mêmes. Je vous présenterai ces cartes et parlerai des besoins dans un prochain article !
Je découvre qu’un troisième jeu est sorti en 2019 dans cette série : « L’univers des sensations ». Je le découvrirai bientôt et ne manquerai pas d’en faire un article. Car effectivement, le premier contact avec nos émotions, ce sont nos sensations, nos ressentis corporels.
Retrouvez le jeu relationnel « Le langage des émotions » en commande sur le site jeux-coopératifs.com
Découvrez d’autres outils autour des émotions sur ma page ressources !