Savez-vous distinguer les vraies émotions des réactions émotionnelles parasites ? Chez vous et chez les autres ? Savez-vous que 90 % de ce qui réagit en nous au quotidien sont des réactions émotionnelles parasites, qui viennent de notre passé ?
Voici des explications claires et essentielles dans la relation à soi et aux autres, délivrées par Isabelle Filliozat (extrait d’une conférence en lien avec son livre « Que se passe t-il en moi? »).
A quoi servent les émotions ?
« D’abord, qu’est-ce qu’une émotion ? Parfois, notre cœur bat plus vite, ça se serre dans notre estomac, on a les larmes qui montent aux yeux, on devient tout rouge, et on se dit que ce sont nos émotions. Or, ce sont certes des réactions émotionnelles, mais pas forcément des émotions.
Émotion veut dire aller vers l’extérieur, c’est le mouvement. Une émotion est ce qui vient de l’intérieur et qui s’exprime vers l’extérieur. C’est en réalité la façon dont mon corps va s’adapter à mon environnement. C’est la réaction physiologique de l’organisme à une sollicitation extérieure spécifique.
Un danger : j’éprouve de la peur. La peur va me permettre de me protéger, de me sauver. Elle va me permettre de me donner l’énergie dont j’ai besoin avec mon cœur qui va accélérer, mes poils qui se dressent, mon estomac qui se ferme, la salive qui se coupe pour ne pas que les sucs digestifs attaquent les parois de l’estomac fermé, beaucoup de transpiration car la peur mobilise mon énergie afin que je puisse faire face au danger. Mon cerveau va fonctionner plus vite pour trouver la réaction appropriée pour me sauver. Je vais pouvoir réussir à faire des choses que je ne pourrais pas faire si je n’avais pas peur.
Ainsi, chaque émotion a une fonction protectrice, anticipatrice, une fonction de relation aussi. L’amour me permet de me sentir profondément relié à l’autre. La joie va provoquer une synthèse de protéines dans mon cerveau pour m’aider à apprendre. La joie est l’émotion que la nature nous a donné pour savoir quelle est la bonne direction dans la vie.
On a absolument besoin de nos émotions. En revanche, nous n’avons pas besoin de 90 % de nos réactions émotionnelles parce que ce sont des réactions parasites.
On se demande souvent comment gérer nos émotions. Alors qu’en réalité, on n’a pas tellement à les gérer. On a juste à les
laisser couler à l’intérieur de nous. Parce qu’une émotion est une réaction appropriée à la situation, qui va nous aider à la gérer.
Une saine colère par exemple, est une colère centrée, où je ne suis pas hors de moi. Elle est facile à maîtriser. Dans la saine colère, je m’affirme, je suis moi, je défends la justice et je cherche à restaurer l’équilibre entre deux personnes. Cette colère vise à rétablir l’harmonie, en disant ce qui me manque pour retrouver cet
équilibre.
Gérer ses émotions, c’est donc écouter ses véritables émotions et leur laisser l’espace pour les exprimer.
Mais 95 % de notre quotidien, ce sont des réactions émotionnelles parasites, c’est-à-dire des choses qui nous viennent de notre histoire.
Une injustice, et on se met à pleurer. On nous crie dessus, et on a peur. On est intimidé par une déclaration d’amour. On ressent des choses inappropriées qui ne nous aident pas. Ce sont des réactions disproportionnées ou inappropriées. Cela vient de notre histoire.
On a appris à dissimuler certaines émotions au profit d’autres, plus acceptées dans notre famille. Ou à renverser nos émotions : on met de la colère à la place de la peur, ou de la peur à la place de la colère, par exemple. Il y a aussi toutes les émotions qui n’ont pas pu être exprimées dans notre passé, qui sont à l’intérieur de nous, en besoin de s’exprimer. Il suffit alors d’une minuscule pichenette dans la vie d’aujourd’hui pour que ce soit la réaction d’hier qui sorte.
Une émotion est une réaction en 3 phases : charge – tension – décharge. Lorsque je décharge, je me libère, c’est mon système parasympathique qui me permet de revenir au calme. Charge : ça monte à l’intérieur. Tension : je gère la situation.
Décharge : retour au calme.
Des réactions qui abîment nos relations
Mais enfant, nous n’avons pas pu décharger. Nous avons chargé, tension, puis gloups, pas le droit de décharger, je garde tout, je serre ici (gorge, plexus, estomac), et voilà. Et puis 20 ans, 30 ans, 40 ans plus tard, il se passe quelque chose (qui rappelle inconsciemment la situation passée) et hop, je décharge ! Mais je ne peux pas revenir vraiment complètement au calme car je ne décharge pas sur la bonne situation.
C’est la raison pour laquelle très souvent, ce que nous appelons nos émotions sont des réactions émotionnelles qui ne sont pas bien acceptées dans le quotidien. Elles abîment nos relations avec les autres, elles nous empêchent d’être profondément en lien les uns avec les autres. Parce qu’en réalité ce ne sont pas de véritables émotions mais des réactions liées à notre propre histoire.
De la même façon, comment accueillir les émotions des autres, qui sont des réactions émotionnelles ? Nous avons besoin d’apprendre à détecter cela, à savoir si l’émotion de l’autre est une vraie émotion.
Quand mon patron me hurle dessus, il y a de grandes chances que ce soit une réaction émotionnelle parasite. Et dans ce cas, je n’ai pas à écouter vraiment son émotion, comme si elle m’était dirigée. Je sais, je décode rapidement qu’elle est dirigée contre un de ses parents, quelque chose qui s’est passé dans son histoire. Cela ne me concerne pas. Je peux alors regarder la personne avec respect, tendresse, et ça glisse sur moi. Je ne me sens pas mobilisé, heurté par sa réaction.
Le fait de pouvoir distinguer les réactions émotionnelles parasites des vraies émotions est essentiel et libère vraiment beaucoup.
Nos émotions nous donnent notre vraie puissance
Nos émotions nous donnent notre vraie puissance. Quand nous laissons les réactions émotionnelles parasites prendre le dessus, nous perdons notre puissance.
Une vraie émotion est naturelle, réactive à l’environnement, qui va servir mon propos, servir mes besoins et la situation.
Une réaction émotionnelle parasite va altérer mes relations aux autres et me faire du mal à moi-même.
Quand je suis dans une émotion vraie, adaptée à l’environnement, même une saine colère ou de la honte, alors l’autre pourra se mettre en lien avec moi. Dans le cas d’une réaction émotionnelle inappropriée, une colère à la place d’une peur par exemple, nous serons vécus comme vulnérables. »
Isabelle Filliozat est psychologue-psychothérapeute, conférencière, et propose une formation en lien avec cet article : La grammaire des émotions : découvrir ce que cachent nos réactions quotidiennes.
Découvrez un outil simple et ludique à utiliser au quotidien, notamment avec les enfants, pour exprimer et accueillir les émotions (et ne pas – gloups – les garder en soi) : lire l’article.